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Éclats

Même 5 ans après, il y a des images que je me rappelle avoir prises. Même après tout ce temps pendant lequel elles attendaient – encore à l’état d’images latentes, d’ions argent réduits enchâssés dans la gélatine – d’être enfin transformées en argent métallique. À la réflexion, c’est sans doute le souvenir d’une de celles-ci qui a fait que j’ai enfin fini par développer ces vieilles pellicules. Il s’agit de la photo d’un miroir brisé abandonné sur le trottoir. Il attendait sagement d’être débarrassé par les encombrants. J’avais fait une première tentative de jeu avec le reflet, ratée, mais qui m’avais permis de caler l’endroit où me positionner pour avoir une personne en entier dans le reflet, et j’avais attendu, l’œil dans le viseur, guettant absurdement et immobile que quelqu’un daigne passer sur le trottoir opposé. Je me rappelle avoir vu du coin de l’œil quelqu’un approcher, l’index prêt à déclencher. Je me rappelle aussi, juste avant que le miroir (de l’appareil) ne se relève, apercevoir le visage commencer à se tourner vers moi, juste dans un triangle de verre intact, puis le clic métallique de l’obturateur et la légère vibration du miroir. J’avais conservé cette image dans ma tête, souvenir figé dans le viseur de mon petit appareil reflex. Pendant tout ce temps, cette image me revenais à chaque fois que je voyais ces petites boîtes en plastique cylindriques dans mon placard. Maintenant qu’elle est développée et numérisée, je ne sais plus trop si elle est à la hauteur de mon souvenir. Tout ceci est bien subjectif et mon jugement est faussé par l’affect. En tout cas, la voici.

Film n°73, vue n°16, Dijon (2012).

Pentax ME – 40 mm f/2.8 SMC
Kodak Tri X 400
Développement au Caffenol CH